📝EN BREF

  • Les muscles squelettiques possèdent leurs propres horloges circadiennes, qui régulent les cycles quotidiens de croissance, de réparation, de production d’énergie et de renouvellement des protéines.
  • Une étude récente a montré que la désactivation de ces horloges périphériques dans les muscles provoquait un vieillissement prématuré, une force réduite, des mouvements ralentis et d’autres signes compatibles avec la sarcopénie.
  • Ces résultats expliquent pourquoi les travailleurs postés sont souvent sujets à un affaiblissement musculaire précoce : leurs rythmes biologiques perturbés entravent les processus nocturnes naturels de régénération de l’organisme.
  • La lumière est le principal synchronisateur de nos horloges internes : l’exposition matinale au soleil stabilise les rythmes circadiens, tandis que la lumière bleue le soir perturbe la mélatonine et la récupération.
  • L’horaire des repas et la régularité des cycles de sommeil contribuent également au bon fonctionnement de l’horloge musculaire, favorisant ainsi la force et la résilience à long terme.

🩺Par le Dr. Mercola

La plupart des gens associent l’horloge interne du corps au sommeil. Pourtant, le rythme circadien régule bien davantage que le simple cycle veille-sommeil. Chaque organe, y compris le cerveau, le foie et les muscles squelettiques, fonctionne selon son propre mécanisme de timing interne, régi par ce rythme.

Les muscles squelettiques, en particulier, suivent un programme circadien indépendant de l’horloge centrale située dans le cerveau. Ces horloges périphériques œuvrent continuellement à la coordination de la force musculaire, de la production d’énergie et de la récupération. Bien que ce processus s’opère en arrière-plan, son impact sur la santé physique est considérable.

Une étude récente du King’s College de Londres a démontré qu’un dérèglement du rythme circadien musculaire entraînait une dégradation de la santé musculaire. À terme, cette perturbation accélère le vieillissement et conduit à un affaiblissement musculaire. Par conséquent, pour préserver sa force en vieillissant, la synchronisation interne de l’organisme est tout aussi cruciale que la pratique sportive.

Que se passe-t-il lorsque l’horloge musculaire se dérègle ?

L’étude en question, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, a examiné les conséquences d’un dérèglement du rythme circadien interne sur la santé des muscles squelettiques. En utilisant des poissons-zèbres génétiquement modifiés, les chercheurs ont désactivé le gène de l’horloge uniquement dans le tissu musculaire. Cette approche a permis d’observer le rôle spécifique des horloges musculaires sans altérer les rythmes cérébraux, les cycles de sommeil ou les conditions environnementales.

• Le dérèglement de l’horloge musculaire perturbe le rythme normal de réparation nocturne : Pendant la journée, les muscles se concentrent sur la croissance et le développement de la force. La nuit, ils passent en mode « nettoyage nocturne », éliminant les protéines endommagées, recyclant les composants usés et évacuant les déchets cellulaires. Chez les poissons-zèbres aux horloges musculaires déréglées, les systèmes normaux de réparation nocturne ont été perturbés.

• Déclin à long terme de la masse et des performances musculaires : Dans les premiers stades de la vie, des signaux externes comme l’alimentation et la lumière masquent temporairement les effets d’un dérèglement des horloges musculaires. Ainsi, les jeunes poissons aux horloges défectueuses continuent de croître et de fonctionner relativement normalement pendant un certain temps. Mais en vieillissant, ces signaux deviennent insuffisants pour compenser le déficit. Jeffrey Kelu, auteur principal de l’étude et chercheur associé au King’s College de Londres, a expliqué :

« Aucune différence significative de masse musculaire n’a été observée chez les jeunes sujets – à 6 mois et 1 an –, mais les poissons dépourvus d’une horloge musculaire fonctionnelle ont affiché des signes évidents de vieillissement prématuré à l’âge de deux ans. Ils étaient plus petits, pesaient moins lourd, nageaient moins souvent et à des vitesses réduites. Ce sont des caractéristiques de la sarcopénie et du déclin général de la mobilité, qui ont été rapportés chez les travailleurs postés ».

• Perturbations biologiques liées à la défaillance de l’horloge musculaire : Les chercheurs ont identifié deux modifications physiologiques survenant lorsque les horloges internes des muscles perdaient leur fonction :

◦ Inhibition des systèmes de nettoyage : Les deux principaux systèmes de recyclage des protéines, l’autophagie et le système ubiquitine-protéasome (UPS), étaient nettement moins actifs la nuit, une période où ils soutiennent habituellement la réparation musculaire.

L’UPS fonctionne comme une déchiqueteuse moléculaire, ciblant les protéines devenues inutiles, tandis que l’autophagie élimine les composants cellulaires usés et les débris. Lorsque l’activité de ces systèmes est supprimée, les déchets s’accumulent à l’intérieur des cellules musculaires, les rendant plus faibles et moins efficaces.

◦ Déséquilibre de la régulation des gènes de l’horloge : Les horloges internes des muscles reposent sur un équilibre entre deux récepteurs nucléaires, Ror et Rev-erb, qui régulent le timing des fonctions cellulaires essentielles. Ror active les gènes impliqués dans la dégradation des protéines musculaires anciennes ou endommagées.

Chez les poissons aux horloges déréglées, les taux de Ror ont diminué tandis que Rev-erb restait inchangé. Ce déséquilibre a altéré la capacité des muscles à éliminer les protéines usagées et a permis à TORC1, une voie de signalisation liée à la croissance, de rester active la nuit, moment où elle est normalement réduite pour permettre la réparation.

• L’inhibition de Rev-erb a rétabli la fonction de l’horloge musculaire : Les chercheurs ont tenté d’inhiber Rev-erb chez les poissons aux horloges déficientes, ce qui a permis de rétablir un renouvellement protéique nocturne normal. Ceci a confirmé que l’horloge interne des muscles régule la croissance et la réparation.

En quoi ces découvertes concernent-elles votre santé musculaire ?

Cette étude éclaire la façon dont le vieillissement musculaire débute bien avant d’être visible ou mesurable. La qualité musculaire ne dépend pas seulement de votre niveau d’activité ou de votre alimentation, mais aussi du respect du calendrier naturel de réparation de vos cellules musculaires.

• Ce schéma reflète étroitement la sarcopénie : La sarcopénie est la perte graduelle de masse et de force musculaires qui survient souvent avec l’âge. Le cycle de réparation perturbé observé dans cette étude reflète l’affaiblissement lent et progressif qui caractérise cette condition. En établissant un lien entre le déclin musculaire et les horloges musculaires, l’étude suggère qu’un désalignement circadien provoque des changements similaires à la sarcopénie bien plus tôt que prévu.

• Vivre en décalage avec l’horloge corporelle affecte la force à long terme : L’étude relève qu’une perturbation circadienne, qu’elle soit due au travail posté, au manque de sommeil ou à des affections neurologiques comme la démence, accroît le risque de sarcopénie en interférant avec le cycle naturel de nettoyage des muscles. Avec le temps, les occasions manquées de réparation permettent à de légers dommages de s’accumuler à l’intérieur des cellules.

« Comprendre comment la perturbation circadienne contribue à la sarcopénie est essentiel pour élaborer des stratégies visant à améliorer la santé et le bien-être des travailleurs postés », a souligné Kelu.
« Nos résultats mettent en évidence la possibilité d’utiliser la biologie circadienne pour développer des traitements visant à prévenir le déclin musculaire chez les travailleurs postés… Cela ouvre la voie à de futures thérapies susceptibles d’améliorer le vieillissement chez ces travailleurs ».

• Les premiers signes de dysfonctionnement passent facilement inaperçus : Dans l’étude, les poissons-zèbres aux horloges musculaires déréglées ont montré un déclin graduel de leurs performances physiques en vieillissant, et ce, bien que leurs conditions externes soient restées identiques.

Dans la vie réelle, cette dégradation interne peut d’abord se manifester par une récupération plus lente, des courbatures accrues ou une endurance réduite, des symptômes souvent mis sur le compte d’une fatigue passagère ou du vieillissement normal. Ces changements subtils pourraient en réalité refléter des perturbations sous-jacentes des systèmes de timing responsables de la réparation et de l’entretien musculaires.

• Le timing influence la réponse de l’organisme à l’effort : Lorsque les signaux internes qui guident l’entretien musculaire sont désynchronisés ou absents, l’activité physique ne produit plus les mêmes effets protecteurs ni ne se traduit par une force durable. Ceci permet d’expliquer pourquoi certaines personnes voient leur masse musculaire décliner malgré une activité physique régulière.

Pour en savoir plus sur l’influence du rythme circadien sur l’ensemble des systèmes de l’organisme, et pas seulement les muscles, lisez « Cette Routine Quotidienne Peut Vous Aider à Rester en « Synchronisation » ».

La lumière règle le rythme de l’horloge maîtresse de l’organisme

Au plus profond de l’hypothalamus se trouve le noyau suprachiasmatique (NSC), la région qui régit le rythme circadien du corps. Cette horloge maîtresse synchronise presque tous les systèmes biologiques, du sommeil et du métabolisme aux fonctions immunitaires et musculaires. Bien que l’horloge musculaire fonctionne de manière indépendante, son rythme demeure plus stable lorsqu’il est aligné sur les signaux coordonnés par le NSC.

• La lumière maintient la synchronisation des horloges internes : Pour rester à l’heure, le NSC dépend fortement de l’exposition lumineuse, particulièrement d’une lumière vive et à spectre complet le matin. Sans cet apport, les nombreuses horloges du corps commencent à se désynchroniser.

• La vie moderne altère les signaux lumineux naturels : L’invention de l’éclairage électrique – puis plus tard des smartphones, ordinateurs et téléviseurs – a introduit une lumière artificielle permanente, permettant aux humains de prolonger leurs heures d’éveil. Une grande partie de cette lumière artificielle est riche en bleu, ce qui indique au cerveau de cesser la production de mélatonine, perturbant ainsi le cycle du sommeil et entravant les processus de récupération nocturne.

• Ce changement a des conséquences bien au-delà du sommeil : Des études ont établi un lien entre l’exposition à la lumière nocturne et des risques accrus de trouble dépressif majeur, de trouble anxieux généralisé, d’état de stress post-traumatique (ESPT), de psychose, de trouble bipolaire et de comportements d’automutilation. Même de faibles niveaux de lumière pendant le sommeil ont été associés à des taux plus élevés d’obésité, d’hypertension artérielle, de diabète et de certains cancers.

• Remettez votre rythme circadien sur les rails grâce à une exposition lumineuse appropriée : Le neuroscientifique Andrew Huberman recommande de s’exposer à une lumière vive, de préférence solaire, dans les 30 à 60 minutes suivant le réveil. Cette lumière matinale aide à stimuler la vigilance diurne et signale au système circadien quand initier la libération de mélatonine plus tard dans la soirée.

• Passez du temps au soleil : Pour les travailleurs postés, il est difficile de bénéficier d’une exposition solaire régulière, surtout si les heures d’éveil sont en dehors de la période diurne. Cependant, il reste important de profiter de tout ensoleillement disponible pendant ses heures d’activité. L’un des moments les plus efficaces pour cela est autour de midi solaire, généralement 12h ou 13h pendant l’heure d’été, lorsque les rayons UVB et les longueurs d’onde du proche infrarouge (NIR) sont les plus concentrés.

Ces signaux lumineux stimulent la fonction mitochondriale et aident à réguler les horloges internes. Il est important de noter que l’exposition au NIR favorise également la production de mélatonine mitochondriale. Pour maximiser les bienfaits du soleil, exposez autant de peau que possible afin que votre corps puisse absorber le spectre complet de la lumière nécessaire à l’énergie, à la récupération et à la résilience.

Si votre alimentation comprend des huiles végétales, approchez l’exposition solaire avec prudence, car ces huiles sont riches en acide linoléique (AL), une graisse oméga-6 instable sujette à l’oxydation lorsqu’elle est exposée aux ultraviolets. Apprenez à optimiser votre exposition au soleil en toute sécurité pour un bénéfice maximal dans « Les chercheurs demandent la révision immédiate des recommandations en matière d'évitement du soleil ».

• L’exposition lumineuse en fin de journée est également importante : La recherche montre que s’exposer à la lumière en début de soirée aide à atténuer certaines conséquences d’une exposition lumineuse plus tardive. Cependant, il est crucial d'éviter toute lumière artificielle intense après 18 h ou 19 h.

Après le coucher du soleil, habituez-vous à tamiser les lumières et à réduire autant que possible l'utilisation de sources lumineuses artificielles. Réduisez la luminosité de votre écran d’ordinateur et évitez les éclairages directs au plafond, en privilégiant les lampes de bureau. Dans la mesure du possible, utilisez uniquement la lumière des bougies ou de la lune après le coucher du soleil.

Si votre chambre à coucher est affectée par la pollution lumineuse, veillez à utiliser des stores occultants pour empêcher la lumière de pénétrer et supprimez également toutes les sources de lumière de votre chambre, y compris les réveils numériques ou les téléphones portables. Une autre alternative consiste à porter un masque de sommeil.

L’horaire des repas et les routines du coucher aident à synchroniser les horloges internes

Si la lumière est le principal synchronisateur de l’horloge maîtresse, d’autres habitudes quotidiennes, comme les horaires des repas et du sommeil, jouent un rôle clé dans l’alignement des rythmes circadiens qui régissent les muscles ainsi que les autres organes et tissus.

• S’alimenter durant la journée aide à réinitialiser les horloges musculaires : Une étude parue dans Neurobiology of Sleep and Circadian Rhythms a constaté que l’activité physique seule ne suffisait pas à modifier le rythme interne des muscles. Ce n’est qu’en restreignant la nourriture à la période d’activité des animaux que l’horloge musculaire s’est ajustée. Cela montre que manger pendant sa phase d’éveil est essentiel pour maintenir l’horloge musculaire alignée avec le reste du corps.

• L’horaire des repas influence les rythmes glycémiques : Dans une autre étude, des chercheurs ont examiné l’impact d’un décalage de cinq heures des repas sur diverses horloges corporelles et marqueurs biologiques. Dix jeunes hommes ont suivi un planning de 13 jours, prenant trois repas (petit-déjeuner, déjeuner et dîner) à cinq heures d’intervalle, soit peu après le réveil (repas précoces), soit plus tard dans la journée (repas tardifs).

Après s'être adaptés aux repas tôt, les participants sont passés aux repas tardifs pendant six jours. Les chercheurs ont constaté que le rythme de la glycémie était décalé de 5,7 heures lorsque les repas étaient pris plus tard et que la glycémie moyenne diminuait. Ces résultats confirment que le moment des repas contribue à la synchronisation des rythmes circadiens périphériques.

• L’horaire de sommeil renforce la stabilité circadienne : Au-delà de l’optimisation de l’exposition lumineuse et des horaires de repas, d’autres facteurs comme un sommeil suffisant et des horaires de coucher réguliers affectent également les horloges biologiques du corps.

Se coucher et se lever à la même heure chaque jour, y compris le week-end, renforce la stabilité de l’horloge circadienne. Des horaires de sommeil inconstants perturbent les horloges périphériques, rendant plus difficile la régulation efficace de l’énergie, de la récupération et des réponses au stress par l’organisme.

Pour des stratégies d'amélioration, lisez « L'amélioration de votre sommeil peut être la clé de la prévention et du traitement des troubles du métabolisme». J'y présente une multitude de conseils utiles, comme l'utilisation de techniques de réduction du stress et l'exercice, pour améliorer la qualité du sommeil.

Foire Aux Questions (FAQ) sur les horloges musculaires

Q : Qu’est-ce qu’une horloge musculaire et comment affecte-t-elle le vieillissement ?

R : Une horloge musculaire désigne l’horloge périphérique située dans le tissu musculaire squelettique. Elle régule les cycles quotidiens de dégradation, de réparation et de croissance des protéines.

Q : Qui présente un risque plus élevé de dérèglement de l’horloge musculaire ?

R : Les personnes qui vivent en dehors des cycles naturels lumière-obscurité sont les plus à risque. Cela inclut les travailleurs postés, les individus souffrant d’un manque chronique de sommeil et ceux atteints de troubles neurologiques comme la démence. Ces groupes subissent souvent des perturbations circadiennes qui interfèrent avec l’entretien musculaire.

Q : Qu’advient-il du tissu musculaire lorsque les rythmes circadiens sont perturbés ?

R : Lorsque les rythmes circadiens sont perturbés, le tissu musculaire perd sa capacité à suivre le cycle normal de croissance diurne et de réparation nocturne. En conséquence, les déchets cellulaires s’accumulent à l’intérieur des fibres musculaires, altérant leur structure et leur fonction. Avec le temps, cela entraîne une diminution de la qualité musculaire, une récupération plus lente et une apparition précoce de la perte musculaire liée à l’âge.

Q : Corriger le rythme circadien peut-il ralentir le vieillissement musculaire ?

R : Oui. Aligner son mode de vie sur les signaux circadiens naturels, en particulier l’exposition lumineuse, rétablit le rythme des horloges musculaires. Cela soutient les processus de réparation nocturne et aide à réduire le risque de déclin musculaire.

Q : Comment puis-je favoriser un rythme musculaire sain par des habitudes quotidiennes ?

R : Exposez-vous à une lumière vive peu après le réveil, prenez vos repas pendant vos heures d’activité et respectez un horaire de sommeil régulier. Ces actions maintiennent l’alignement de vos horloges musculaires.