📝EN BREF
- Le cancer du côlon est la deuxième cause de décès liés au cancer aux États-Unis. Les études établissent une forte corrélation entre la santé intestinale et le risque de cancer, en particulier en lien avec l’alimentation.
- Les aliments ultra-transformés contenant des huiles végétales sont riches en acide linoléique (AL), un composant qui déséquilibre la flore bactérienne bénéfique et favorise une inflammation chronique, laquelle augmente les risques de cancer colorectal.
- Une étude publiée dans « Gut » a révélé que les échantillons de cancer colorectal présentent un dysfonctionnement appelé « lipid class switching », empêchant le passage normal de l’inflammation vers la phase de résolution nécessaire à la guérison.
- L’alimentation occidentale moderne, dominée par les huiles végétales (colza, maïs, soja), crée un déséquilibre entre les oméga-6 et les oméga-3, favorisant la prolifération de bactéries nocives et une inflammation persistante.
- Pour préserver votre santé intestinale, il est conseillé de limiter votre consommation d’acide linoléique à moins de 5 grammes par jour, d’éviter les aliments ultra-transformés à base d’huiles végétales, et de privilégier une alimentation équilibrée, riche en produits bruts. Il est également important de ne pas abuser des oméga-3, car un excès peut entraîner des effets comparables à ceux d’un trop-plein d’acide linoléique.
🩺Par le Dr. Mercola
Selon le « National Cancer Institute », le cancer du côlon reste en 2024 la deuxième cause de décès liés au cancer aux États-Unis. Si le constat est préoccupant, la recherche progresse et permet aujourd’hui de mieux en comprendre les causes, ouvrant la voie à une prévention plus efficace. Parmi les pistes les plus prometteuses, le lien entre la santé intestinale et le risque de cancer, notamment à travers la qualité des aliments que nous consommons, suscite un intérêt croissant.
Votre intestin est un écosystème fascinant, peuplé de milliards de bactéries, bénéfiques ou nuisibles. Ces minuscules résidents jouent un rôle essentiel dans la digestion, l’absorption des nutriments et la régulation de l’immunité.
En temps normal, l’organisme veille à maintenir l’équilibre entre les « bonnes » et les « mauvaises » bactéries. Mais cet équilibre peut être rompu, notamment par une consommation excessive d’huiles végétales, ce qui provoque une inflammation chronique et favorise l’apparition de pathologies graves, dont le cancer du côlon.
Décrypter son assiette : la montée en puissance des aliments ultra-transformés
Dans les rayons de vos supermarchés, les nouilles instantanées, les pizzas surgelées ou les encas industriels ont peu à voir avec des aliments naturels. Ces produits sont fortement transformés, enrichis en sucres ajoutés et en arômes artificiels, ce qui n’est pas sans conséquence sur votre santé intestinale. Parmi les composants les plus nocifs, on retrouve les huiles végétales, directement impliquées dans l’augmentation du cancer colorectal aux États-Unis.
Une étude parue dans la revue « Gut » a établi une corrélation entre la consommation d’aliments ultra-transformés, riches en certaines huiles végétales, et une hausse du risque de cancer colorectal (CRC). Les chercheurs y décrivent le CRC comme une « plaie chronique qui ne cicatrise pas correctement », contrairement à une blessure classique où l’inflammation cède progressivement la place à la régénération.
Pour illustrer ce phénomène, ils ont comparé 81 échantillons humains atteints de cancer colorectal avec des tissus sains. Grâce à la chromatographie liquide et à la spectrométrie de masse, ils ont observé que les cellules cancéreuses ne parvenaient pas à opérer le changement lipidique nécessaire au retour à un état non inflammatoire.
Dans une interview pour « Scientific American », le Dr Timothy Yeatman, co-auteur de l’étude, détaille ce processus :
« Les lipides pro-résolution, découverts récemment par Charles Serhan de l’Université Harvard. Il a évoqué un phénomène appelé « changement de classe lipidique », un processus par lequel l’organisme passe naturellement de la phase inflammatoire à la phase de résolution au cours de la guérison.
Il a découvert que certains lipides, en particulier ceux dérivés des oméga-3, sont essentiels pour mettre fin à l’inflammation. Mais si l’inflammation n’est pas régulée, elle peut évoluer vers un cancer.
Un rapport publié dans « Scientific American » précise d’ailleurs que l’inflammation chronique et incontrôlée détériore les cellules saines et nuit à leur capacité à combattre les cellules cancéreuses. Selon Yeatman, la consommation excessive d’oméga-6 jouerait un rôle majeur dans ce processus. Il décrit plus en détail le mécanisme du changement de classe lipidique dans un contexte alimentaire riche en oméga-6 :
« Lors de la première phase de cicatrisation normale, les prostaglandines et les leucotriènes (LT) sont synthétisés. Ils orchestrent une réponse anti-inflammatoire où les prostaglandines PGE2/PGD2 induisent l’expression de l’enzyme ALOX15, déclenchant ainsi une transition entre les médiateurs pro-inflammatoires (LT) et les médiateurs lipidiques pro-résolutifs (lipoxines, résolvines, protectines et marésines).
Ce processus, connu sous le nom de changement de classe des médiateurs lipidiques (LCS), est identifié comme un mécanisme fondamental de la résolution de l’inflammation. Or, ce LCS semble déficient dans le cas du cancer colorectal, ce qui maintient une inflammation chronique dans la majorité des tumeurs ».
Parlons maintenant des huiles végétales dissimulées dans de nombreux aliments transformés : l’huile de colza, de maïs ou de soja en sont des exemples courants. Ces huiles sont particulièrement riches en acide linoléique (AL). Bien que l’AL ne soit pas nocif en so, notre organisme en a besoin en faible quantité, il devient problématique lorsqu’il est consommé en excès. Le problème est que ces huiles sont très souvent utilisées pour la friture, la cuisson ou l’aromatisation d’une grande majorité des produits transformés, ce qui surcharge le régime alimentaire occidental moderne en acide linoléique.
Le microbiote intestinal : un équilibre fragile
Votre intestin fonctionne comme une ville animée, peuplée de résidents très diversifiés. Certains, comme les bonnes bactéries, jouent le rôle de commerçants bienveillants, garants de l’ordre et du bon fonctionnement. D’autres, les « mauvaises bactéries », agissent comme des fauteurs de trouble, semant le chaos dès qu’elles deviennent dominantes. Maintenir un microbiote intestinal en bonne santé revient à s’assurer que les bonnes bactéries conservent l’avantage.
Or, une inflammation chronique, souvent déclenchée par un déséquilibre du microbiote, est un facteur commun à de nombreuses maladies métaboliques. C’est un peu comme un feu latent, qui consume les tissus environnants et prépare le terrain aux pathologies. Cette inflammation endommage les tissus environnants et crée un terrain favorable au développement de nombreuses maladies.
Mais alors, quel rôle joue l’alimentation dans cet équilibre aussi fragile que fondamental ? Une alimentation riche en produits ultra-transformés, notamment ceux contenant des oméga-6 en excès, favorise le développement des mauvaises bactéries intestinales. Celles-ci prolifèrent, pendant que les bonnes bactéries peinent à survivre. Ce déséquilibre du microbiote intestinal génère un terrain inflammatoire, ce qui augmente considérablement le risque de développer un cancer colorectal.
Ces conclusions ont été mises en évidence dans une étude datant de 2012, et plus de dix ans plus tard, des recherches publiées dans « Nutrients » confirment toujours cette même dynamique. Les chercheurs y rappellent qu’une alimentation riche en graisses perturbe profondément le microbiote intestinal, entraînant la production de métabolites nocifs favorisant l’inflammation.
« Le microbiote intestinal provoque la déconjugaison des acides biliaires dans l’intestin, ce qui conduit à la formation d’acides biliaires secondaires, notamment l’acide désoxycholique (DCA). On a observé qu’un régime riche en graisses peut multiplier jusqu’à 10 fois les taux de DCA. Cette augmentation est associée à une altération de l’intégrité de l’épithélium intestinal, accompagnée d’une inflammation locale.
Par ailleurs, des taux élevés d’acides biliaires secondaires (AB) favorisent la formation d’espèces réactives de l’oxygène et de l’azote. Les acides biliaires endommagent également les membranes cellulaires, les mitochondries et l’ADN, ce qui peut entraîner un risque accru de cancer colorectal. Les endotoxines bactériennes et certains métabolites peuvent renforcer mutuellement leurs effets délétères.
L’accumulation de DCA et d’acide lipoteichoïque (LTA) amplifie les signaux induits par l’activation de TLR2, ce qui entraîne une surproduction de COX2.Cette enzyme est associée à l’inhibition des cellules tueuses naturelles et des cellules dendritiques, un phénomène susceptible de favoriser l’apparition de cancers ou de maladies inflammatoires », rapportent-ils.
Comment restaurer la santé intestinale en quelques étapes simples
Des recherches récentes ont mis en évidence l’interconnexion profonde entre l’intestin et le cerveau, un lien aujourd’hui bien connu sous le nom d’axe intestin-cerveau. Ce réseau de communication complexe joue un rôle déterminant sur l’humeur, la santé mentale, et même les fonctions cognitives. L’intestin et le cerveau interagissent à travers différents canaux, tels que les voies nerveuses, les signaux hormonaux ou encore les médiateurs du système immunitaire.
Un stress chronique perturbe cet équilibre fragile, modifiant la composition du microbiote intestinal et contribuant à une inflammation systémique et cérébrale. Adopter des techniques de gestion du stress comme la pleine conscience, la respiration profonde, le yoga ou des promenades en pleine nature peut considérablement améliorer à la fois la santé mentale et digestive. Ces pratiques régulent la réponse au stress de l’organisme tout en favorisant un environnement intestinal plus sain.
Le sommeil joue lui aussi un rôle clé dans les mécanismes de réparation et de régénération du corps, y compris dans l’équilibre du microbiote. Comme l’a souligné une étude, le manque de sommeil altère la flore intestinale et favorise l’inflammation. C’est pourquoi il est essentiel de privilégier un sommeil de qualité pour préserver son bien-être global, et notamment sa santé intestinale.
Pour découvrir comment améliorer votre sommeil, consultez l’article « Vous voulez une bonne nuit de sommeil ? Alors voici ce qu’il ne faut jamais faire avant de vous coucher », où je partage sept stratégies concrètes pour optimiser la qualité de vos nuits.
L’exercice physique régulier est également bénéfique pour la santé de l’intestin. Il favorise la diversité des bactéries intestinales et aide à réduire l’inflammation. Des activités modérées comme la marche, le jardinage, la natation ou le vélo permettent d’enrichir le microbiote et d’en préserver l’équilibre.
L’essentiel est de privilégier des efforts d’intensité modérée, car les études montrent qu’ils ont un impact favorable sur la santé intestinale. À l’inverse, une activité physique trop intense et prolongée peut fragiliser la barrière intestinale, entraîner une inflammation chronique et déséquilibrer la flore.
Autres habitudes à adopter pour un intestin sain et équilibré
En plus de l’activité physique et de la gestion du stress, d’autres gestes simples permettent de préserver la santé digestive. Voici quelques conseils pratiques :
1. Apprenez à décrypter les étiquettes alimentaires : Identifiez les sources cachées d’oméga-6 dans les produits industriels. Soyez particulièrement attentif aux huiles telles que : colza, carthame, maïs ou soja, ainsi qu’à leurs dérivés. Autant que possible, privilégiez les aliments bruts. Par exemple, remplacez les chips par un fruit frais et mûr.
2. Faites la part belle aux aliments entiers : Composez vos repas avec une variété de légumes et de fruits colorés, complétés par des glucides de qualité comme le riz blanc ou les pommes de terre, et des protéines maigres telles que le bœuf nourri à l’herbe. Ces aliments nourrissent le microbiote et favorisent un bon équilibre intestinal.
3. Intégrez des aliments bénéfiques pour l’intestin : Ajoutez des prébiotiques et des probiotiques à votre alimentation. Les prébiotiques sont des fibres que l’on retrouve dans certains aliments comme l’oignon, la pomme ou la banane, et qui servent de source de nourriture aux probiotiques présents dans votre microbiote intestinal.
Parallèlement, les aliments fermentés apportent directement ces probiotiques bénéfiques pour votre flore intestinale. Yaourt fait maison, kimchi ou encore choucroute figurent parmi les options les plus intéressantes. Si toutefois le goût des aliments fermentés ne vous convient pas, vous pouvez envisager la prise d’un complément probiotique de haute qualité.
L’essentiel à retenir : réduire sa consommation d’huiles végétales
Les données scientifiques disponibles sont claires : une consommation excessive d’AL est l’un des principaux facteurs à l’origine des maladies chroniques dans le régime alimentaire occidental. Ainsi, au-delà des recommandations évoquées plus haut, il est essentiel de limiter autant que possible votre apport en AL.
Précision importante : votre organisme a besoin d’un certain niveau d’AL pour fonctionner de manière optimale. Mais la plupart des troubles métaboliques actuels découlent d’un excès massif, causé par l’omniprésence des aliments ultra-transformés, aussi bien en supermarché qu’au restaurant. Parmi les principales huiles responsables, on trouve notamment :
Soja | Carthame | Graine de coton |
Tournesol | Canola | Maïs |
Lorsque l’AL, un acide gras polyinsaturé (AGPI), s’oxyde, il génère des radicaux libres extrêmement nocifs. Ce processus entraîne la formation de produits d’oxydation lipidique appelés ALE (produits terminaux d’oxydation des lipides). Dans le cas des oméga-6, cela donne naissance aux OXLAM, (c’est-à-dire des métabolites oxydés de l’acide linoléique). Pire encore : l’AL possède une demi-vie très longue, entre 600 et 800 jours, soit environ deux ans.
Autrement dit, il faudra plusieurs années pour remplacer les 95 % d’AL stockés dans vos cellules par des acides gras plus sains. Pour comprendre en détail les dégâts causés par cet acide, je vous invite à consulter l’article intitulé « Comment l'acide linoléique détruit votre santé ».
Pour préserver votre santé, il est conseillé de limiter votre consommation d’AL à moins de 5 grammes par jour, soit l’équivalent de ce que consommaient nos ancêtres. Si vous parvenez à descendre sous la barre des 2 grammes par jour, c’est encore mieux. Pour suivre avec précision votre consommation, vous pouvez enregistrer vos repas sur le site « Cronometer.com », un outil gratuit de suivi nutritionnel en ligne. Il vous indiquera exactement la quantité d’AL ingérée au quotidien.
Même si l’AL est particulièrement nocif, il convient également de faire attention aux oméga-3, qui sont eux aussi des AGPI. Consommés en excès, les oméga-3 peuvent provoquer des déséquilibres métaboliques similaires à ceux de l’AL, car ils se dégradent également en ALE. Enfin, il est préférable que la majorité de vos apports alimentaires provienne de glucides sains. Un excès de graisses peut en effet freiner l’efficacité du métabolisme du glucose. De manière générale, veillez à ce que les lipides ne représentent pas plus de 30 % de vos apports caloriques journaliers.
🔎Sources et Références :
- 1 NIH National Cancer Institute, Cancer Stat Facts: Common Cancer Sites
- 2, 3, 6 Gut. 2024 Dec 10:gutjnl-2024-332535, Key genes linked to pro-resolving lipid class switching showed extremely low expression in CRC tumours
- 4, 5 Scientific American, December 13, 2024
- 7 Nutrients. 2021 Oct 28;13(11):3839, Abstract
- 8 J Nutr Metab. 2012 Apr 5;2012:539426, Introduction
- 9, 11 Nutrients. 2021 Oct 28;13(11):3839, Metabolites
- 10 Nutrients. 2023 Mar 20;15(6):1496, Abstract
- 12 Sleep Medicine Reviews Volume 65, October 2022, 101691, Abstract
- 13 Front Nutr. 2021 Jun 10;8:637010, Abstract
- 14 Nutrients 2024, 16(21), 3663, Abstract